Hitchcock l’arrache au personnage de 007

«Docteur No» sort en 1962 et décroche, en l’espace de quelques mois, un succès colossal en Europe et aux USA. Un contrat de sept ans à la clé, et l’incontournable suite, «Bons baisers de Russie», est bouclée l’année suivante.
Connery Mais Connery comprend vite que ce personnage risque de l’enfermer dans un registre inextricable, et, déjà complètement vampirisé par 007, enchaîne sur d’autres films. Seul le grand Hitch a cerné depuis longtemps la riche personnalité de l’acteur, osmose d’humour, de magnétisme et d’intensité dramatique. Facettes qu’il exploite à merveille dans « Pas de printemps pour Marie» (1964), aux côtés de sa blonde coqueluche du moment Tippi Hedren (ou devrais-je plutôt dire, la maman de Melanie Griffith). Pour les autres, Connery n’est encore qu’un grand benêt de 1,91 mètre, à la dégaine d’un charretier sans cervelle. Le film d’Hitchcock est un terni-échec commercial, hanté par le fantôme de Bond que les spectateurs ne veulent pas voir ail-, leurs qu’au volant de son Aston Martin, Walter PPK au poing, d’autant plus que «Goldfinger» sort la même année sur les écrans. Sidney Lumet lui offre une deuxième chance. «La colline des hommes perdus» lance les paris d’un quarté gagnant Lumet-Connery entre 1965 et 1973 (« Le gang Anderson» en 1971, «The offense», un de leurs préférés, en 1973 et « Le crime de l’Orient express» en 1974). Quatre films de qualité, même s’ils n’éclatent pas au box-office à l’époque. Entre-temps, Sean a plaqué, une fois pour toutes pense-t-il (Never say never again!), la panoplie gadgétisée bondesque en vue d’entamer une carrière plus convaincante. Un coup dur pour les fans, qui le considèrent encore aujourd’hui comme le seul, l’unique, l’irremplaçable James.

En 1975, Huston l’embauche dans «L’homme qui voulut être roi». Un agréable souvenir, et, en prime, la consolidation d’une grande amitié avec un autre gentleman, Michael Caine. Mais c’est surtout «La flèche et la rose» (de Richard Lester, réalisateur fétiche des Beatles) qui, un an après, coupe enfin le cordon ombilical entre Sean Connery et James Bond. Fagoté en Robin des Bois vieillissant, égaré dans ses introspections du côté de Sherwood, le comédien se forge une image moins fantaisiste, n’en déplaise à ses anciens détracteurs. Il retrouve bientôt son copain Caine avec «Un pont trop loin», de Richard Attenborough (1977), film de guerre remarquable servi par une kyrielle de stars britanniques, de Dirk Bo-garde à Laurence Olivier. Vient ensuite «La grande attaque du train d’or», 0 l’histoire d’un hold-up rocambolesque et bourré d’humour façon XIXe. Un look gilet haut-de-forme qui sied parfaitement au charme anglo-saxon de l’ami Sean.