Sean Connery arrive !

C’est le trou noir : «Meteor», de Ronald Neame, et «Cuba », de Richard Lester, accusent deux échecs fumants, alourdis par les propos virulents de Connery à leur sortie respective : «Tout le truc dépendait des effets spéciaux.

Eh bien, les gars qui avaient promis le fric ne l’avaient pas. Les trucages ont été terrifiants. Ce ne sont pas les météorites qui volaient sur l’écran, mais la merde», dit-il au sujet de «Meteor» (Télé rama, 1989). « Cuba » reste son plus mauvais souvenir, même si le script de départ l’avait emballé. Sean jure qu’on ne l’y reprendra plus! «Outland », «Bandits, bandits!» et « Meurtres en direct» relancent un peu sa carrière au début des eighties, suivis d’un bon cru 1982, «Cinq jours ce printemps-là », qu’il passe en compagnie de la ravissante Betsy Brantley. Une œuvre intimiste à redécouvrir. La même année, coup de théâtre. L’acteur dépoussière son smoking et recoiffe sa moumoute à l’occasion du retour fracassant de 007. De mes gouilles en procès, le producteur McClory a pu soutirer à son ex-complice Albert Broccoli les droits d’une nouvelle adaptation de Lan Fleming. Une participation à l’écriture du scénario et surtout un cachet très motivant, de 5 millions de dollars, persuadent Connery de tourner «Jamais plus jamais», un Bond ponctué de clins d’œil et d’action musclée. Cette période transitoire an- nonce un véritable virage dans le parcours du comédien. Perfectionniste à l’extrême, il sélectionne de plus en plus ses rôles et n’hésite pas à traîner en justice les requins qui l’auraient par malheur arnaqué. Outre ses démêlés légendaires avec Broccoli, il attaque volontiers les studios de productions. «Tous des voleurs», sou pire-t-il. Avarice? Une réputation à moitié fausse qui le poursuit depuis belle lurette. En fait, Sean Connery reverse la plupart du temps le fruit de son labeur à l’association humanitaire dont il est le fondateur, la Scottish international éducation trust, destinée aux enfants pauvres de son pays natal. Humain, il l’est, bien qu’il campe dans son prochain film un chevalier médiéval grisonnant et immortel auprès du jeune Christophe Lambert. Un superbe conte dans la lignée des heroic fantasies, qui ne lésine pas sur les effets spéciaux, au détriment d’un scénario trop faible selon Connery. L’idée première, une initiation de maître (Connery) à disciple (Lambert), lui plaît pourtant particulièrement, et sera d’ailleurs commune à son personnage suivant du «Nom de la rose» en 1986. Là, métamorphose.
Sean Connery
Connery est un moine, bien dégarni sous sa capuche, qui mène une enquête aussi palpitante que mystique dans un monastère assez inquiétant. Investigation au cours de laquelle il enseigne la sagesse à un brave garçon fasciné par son charisme.
Sean Connery
Ce petit chef-d’œuvre signé Jean-Jacques Annaud ne ressemble à rien d’autre et déconcerte totalement les Etats-Unis. « Nous n’avons pas arrêté de nous battre avec les Américains. Ils n’ont pas physiquement produit le film, ils ne l’ont pas soutenu. Dès qu’un film ne rentre pas dans une case — comédie, thriller —, ils ne savent pas comment le vendre», constate-t-il (Première, 1 9 86). En France, le film est acclamé, et la popularité de l’Ecossais ne cesse de grimper. Annaud rend un vibrant hommage à son talent : «C’est un type tellement professionnel. Il exige beaucoup du metteur en scène. Lorsque l’on sort d’un tournage avec Sean Connery, il est difficile de se réajuster avec d’autres acteurs. C’est comme lorsque l’on sort d’une Rolls. Sean Connery c’est… une machine extraordinaire. Vous conduisez avec le petit doigt sur un volant d’une souplesse étonnante. Un petit coup d’accélérateur et vroom, ça part. Mais comme toutes les belles mécaniques, il faut bien la huiler, la soigner. Un acteur de cette qualité-là…»
Sean Connery
Un an plus tard, «Les incorruptibles», version de Palma, marque sa consécration. Il y incarne un vieux renard de flic, valeureux et intègre, denrée rare à Chicago sous le règne d’Al Capone! Grâce à ses précieux conseils, Eliot Ness (alias Kevin Costner) va nettoyer la ville. Encore une relation de prof à élève, qui lui vaut l’Oscar, largement justifié, du meilleur second rôle. Connery va pouvoir augmenter ses honoraires! L’argent n’est, en réalité, pas le critère principal de l’artiste, qui favorise de loin la valeur du script et de ses protagonistes. Il refuse entre autre le rôle du précepteur de Pu-Yi dans « Le dernier empereur», de Bertolucci, qu’il juge peu captivant et va jusqu’a saluer, sans aucun regret, la performance de Peter O’Toole à sa sortie. En 1988, il troque son uniforme de policier contre celui de militaire pour tourner «Presidio» sous la direction de Peter Hyams (qui l’avait déjà dirigé dans « Outland » en 1981). Parallèlement, Spielberg prépare le tournage du troisième volet « Indiana Jones», avec Harrison Ford, auquel il envisage d’attribuer un père. Pour lui, c’est clair, ce sera Sean Connery. Séduit par le projet, ce dernier accepte. Mieux, il s’investit entièrement dans ce personnage, dont il modifie lui-même les principaux traits de caractère. Le paternel d’Indiana doit être anglais (et non américain comme prévu à l’origine), austère et foncièrement égoïste. Spielberg jubile. Affublé de son inséparable parapluie et d’un costume 100% tweed, Mister Jones excelle dans le flegme britannique et l’esprit pince-sans-rire, le tandem Ford-Connery en rajoute, improvise, invente des gags, malgré des conditions de travail souvent difficiles et éreintantes : soleil de plomb oblige, il faut parfois changer de chemise entre chaque prise. Le résultat est un régal et, bien sûr, un triomphe. Sean Connery a atteint le paroxysme de son génie d’acteur, qu’il sait maîtriser à la perfection.

Quand il paraît sur le grand écran, ceux qui lui donne la réplique, si grands soient-ils, se volatilisent. Avec Sean Connery, le cabotinage n’existe pas. Tout est dans la sobriété de son jeu et le poids de ses mouvements. Magique. Un art de la précision et du travail bien fait que son futur personnage, le voleur téméraire de « Family business», affectionne aussi. Entouré de Dustin Hoffman (son fils) et d’une star montante, Matthew Broderick (son petit-fils), grand-père Sean transmet son savoir-faire à sa descendance, devant la caméra de son réalisateur fétiche (cinquième association) Sidney Lumet. Sans perdre une seconde, il se lance dans l’aventure d’« Octobre rouge». Klaus Maria Brandauer ayant déclaré forfait au dernier moment, Connery se voit proposer le rôle du capitaine soviétique Ramius par téléphone, alors qu’il se relaxe dans sa maison andalouse. Le scénario lui est «faxé» de Los Angeles. Affaire conclue moyennant deux ou trois changements supervisés par la star et quatre beaux millions de dollars. Le Britannique nous gratifie même, pour la circonstance, de quelques phrases en russe.