La guerre de la tv haute définition

Evénement technologique majeur des années 90, la télévision haute définition suscite bien des polémiques à l’échelle mondiale. Standard .de transmission, norme de diffusion, production de programmes sont les principaux enjeux d’une course folle qui oppose l’Europe aux tout-puissants Nippons, épaulés pour l’instant par les USA.
télévision 4K HD
Les caractéristiques de la TVHD ont quand même fait l’objet d’un consensus international qui les définit comme telles : une image plus fine (précision des contours et des couleurs, augmentation des informations visuelles) de plus de 1 000 lignes (1 125 pour la norme japonaise et 1 250 pour la norme européenne), un son stéréophonique (enregistrement et diffusion numériques) et un format plus large, 16/9 au lieu de 4/3 (rapport entre la hauteur et la largeur de l’écran. Le 16/9 est plus panoramique, rectangulaire et se rapproche du 35 mm, ce qui supprimera les bandes noires qui incombaient à la diffusion TV d’un film en Cinémascope). On est d’accord sur le fond, mais pas sur la forme. Chef de file, le pays du soleil levant a planché dès le début des années 70 sur un système de transmission, avec le concours de la méga-chaîne nationale NHK : c’est le système Muse, mis en service en 1984. Aujourd’hui, NHK se paye même le luxe de diffuser des émissions en TVHD, histoire d’inciter la population locale à balancer ses vieux postes pour un équipement approprié. Les adeptes français ont pu contempler un fascinant prototype de TVHD lors du dernier Sonyworld, mais l’énormité de sa taille et le matériel surréaliste nécessaire à son installation font de cet appareil un objet de prestige, nullement adapté aux besoins du particulier. Effrayée (donc stimulée) par l’avance du Japon, l’Europe se lance, en 1986, dans la grande aventure. La réunion du CCIR (Comité consultatif international pour les radiodiffusions) débouche sur le programme Eureka 95, qui planifie sur quatre ans le développement d’une TVHD compatible entre pays européens. Adopté. HD-Mac sera une extension du système Mac, l’unique standard de transmission en TDS (Télévision directe par satellite), en Europe, depuis 1977. Plusieurs firmes se partagent la tâche : Thomson est responsable des standards de production et des conversions de standards. BTS se charge des équipements de studio. Philips, qui préside Eureka 95, s’occupe du décodage et de l’environnement de réception. Nokia se réserve les récepteurs de télé. De leur côté, les USA ne rejettent pas catégoriquement le système japonais Muse, mais exigent qu’il soit compatible avec leurs téléviseurs NTSC (la norme américaine). La guerre est déclarée. Car Muse, malgré ses performances technologiques, ne s’adapte à aucun système existant dans le monde, et ses voisins occidentaux sont peu disposés à remplacer leur parc de TV (700 millions de récepteurs, ce qui coûterait environ 150 millions de dollars), et devenir ainsi tributaires de la suprématie nippone. A force d’acharnement, l’Europe parvient à rattraper son retard. Dotée d’une qualité audiovisuelle similaire à celle de sa concurrente asiatique, « notre» TVHD n’arbore toutefois pas encore une ergonomie satisfaisante.

L’encombrement du téléviseur HQ demeure un sérieux handicap, que le système d’écran à cristaux liquides semble le plus apte à combler. Fidèle au (nouveau !) poste, Thomson crée, en 1989, une filiale, LCD (Liquid Crystal Display), qui, parallèlement à la TVHD, développe la production d’écrans plats LCD à matrice active, pour remplacer définitivement l’obsolète et quinquagénaire tube à rayons cathodique. Cette usine de 4 400 mètres carrés, près de Grenoble, travaille en collaboration avec un partenaire industriel, Sextant Avionique, filiale commune d’Aérospatiale et Thomson CSF. Objectif : élaborer une technologie haute résolution pour l’aéronautique et les applications militaires, ainsi qu’une production de masse pour Thomson Consumer Electronics. Né en septembre 1990, le premier écran futuriste ne mesure que 22 centimètres (il peut en atteindre 35 maximum) et n’est pas du tout compétitif. Qu’a cela ne tienne. Thomson persévère. Un prototype de vidéoprojecteur à LCD devrait voir le jour à l’automne prochain, suivi d’Un très grand écran de télévision (plus d’un mètre de diagonale) en TVHD pour 1995.

Quelques démonstrations de programmes HD français, à l’occasion du sommet européen de Madrid, du bicentenaire ou de la Foire internationale de Berlin, nous donnent déjà un aperçu. Parmi les plus spectaculaires, Roland-Garros, le Festival d’Antibes 1990 par Jean-Christophe Averty, et la Coupe du monde de foot 1990. D’autres essais sont prévus lors des Jeux olympiques d’Albertville en 1992. En attendant que ça marche à la maison, apparaît la télé «améliorée», un procédé intermédiaire, proche de la 1-VHD, qui divise carrément victime de ses deux standards déjà en place, le Secam (France, pays de l’Est) et le Pal (presque toute l’Europe) : en Grande-Bretagne, on préconise le standard D Mac paquets, en France, le 02 Mac paquets et, en Allemagne, le Pal +. La deuxième solution est finalement retenue grâce à la bonne volonté de la RFA.